Le garçon suivais des yeux le vol erratique des quelques mouettes suivant le bateau. Il avait consacré la majeur partie de son temps à cette activité depuis le départ il y a trois jours, il avait tellement peine à croire à ce qui lui arrivait qu'il s'attendait presque à ce que lui pousse des ailes pour aller les rejoindre.
Tant-il était obnubilé par les oiseaux qu'il ne me vit pas le rejoindre sur la bastingage arrière.
- Bonjour mon garçon.
Son visage ne se tourna même pas quand il me répondit.
- Bonjour m'sieur.
- Tu es bien Moepis, le jeune esclave.
- Oui m'sieur. C'bien moi, mais pl'pour longtemps.
A ces mots son regard se tourna enfin vers moi, juste un bref instant, mais le sourire qui lui montait maintenant au visage en disait long sur son état d'esprit.
Peut être aurais-je dû m'arrêter là. Peut être aurais-je dû laisser cet enfant à ses rêveries. Mais je voulais en savoir plus sur son maître.
- Comment ça ? On m'a dit que ton maître t'avait gagné lors d'un concours de tir à l'arc...
- Pas exactement m'sieur. En fait, maître Kalehis il a gagné d'l'argent au concours et c't'avec c't'or là qu'il m'a acheter. Moi j'tais garçon d'arène là bas m'sieur.
- Toujours est-il qu'il serait étonnant qu'il t'affranchisse après avoir dépenser tant d'or pour d'obtenir.
- C'pourtant c'qu'il va faire m'sieur. En arrivant à Tarrantia-la-Vieille, c'est s'qu'il m'a promis.
- Et il ne t'a rien demandé en échange ? Pas un service, pas même s'occuper de sa cabine pendant le voyage ?
- Non m'sieur rien. Il m'a dit qu'la seule chose qu'y m'demand'rait c'est, qu'uen fois arrivé à Tarrantia, d'faire du mieux qu'j'pourrais dans l'travaille qu'y m'trouv'rait.
Je souris à mon tour à l'enfant. Je savais déjà tout cela avant de venir lui parler, bien évidemment, il s'en doutait peut être, mais il se prêtait volontiers au jeu des questions.
- Alors ton maître doit être un saint homme. Que sais-tu de lui au juste ?
Moepis se gratta la tête d'un air mi-pensif mi-embarrassé.
- Pas grand chose en fait m'sieur; j'sais c'que tout le monde raconte à Khemi. Y parait qu'maître Kalehis il aurait grandit parmi les esclaves de Seth pour dev'nir sorcier au qu'e'qu'chose comme ça.
- Tient ! Je n'ai pas entendu dire qu'il était sorcier pourtant.
La garçon hocha la tête.
-Nan m'sieur ! Il est pas sorcier , 'fin, 'tout-cas j'crois pas. Il aurait été enlevé comme esclave lors d'la guerre contre l'Aquilonia.
On dit qu'a l'époque il avait tellment pas d'volonté qu'aucun maître voulait d'lui parc'qu'il leur faisait peur.
- Oui j'ai entendu parler des atrocités que pratiquais alors les prêtres de Seth afin d'assouvir à leur volonté ainsi qu'a celle du dieu serpent de jeunes enfants.
Je vis un instant la peur traverser le regard de l'enfant. Comme ci le simple fait de pouvoir dire du mal des agissements du clergé de Seth pouvais attirer sur nous sa colère.
Je mis ma main sur son épaule et pris l'air rassurant.
- N'ai crainte jeune homme. Je suis moi même prêtre, et mon dieu, Mitra, ne laissera pas le dieu serpent nous faire du mal pour une simple discussion.
Le jeune stygien sembla se détendre.
- Bien continue. Que peux-tu me dire de plus sur ton maître.
- Heu ! Et bien, on dit qu'un jour il arriva chez un maître qui n'eut pas peur d'lui. Qu'c'maître y fût même bien content d'trouver un esclave qu'savait lire et écrire. 'fait on raconte qu'c'maître c'est lui qui r'donna un'sorte d'conscience ou d'esprit j'sais pas trop.
Moepis eu l'air contrit de ne pas trouver ces mots. Je luis souris à nouveau et l'invitais à poursuivre d'un geste de la main.
- Je pense savoir ce que tu veux dire. Mais je t'en pris, continue.
- Ben ! Apres y a eu une révolte j'crois. Ouais c'ça, y a plein d'esclave qu'y s'sont révolté en même temps, alors les esclaves du maître de maître Kalehis heu..... c'compliqué enfait j'crois. Bref, y a des esclaves qui ont voulu tuer son maître et lui il a essayer d'le défendre mais il a pas pu. après.... ben après on sait pas trop c'qu'il a fait j'crois.
Je croisais les bras et fronçait légèrement les sourcils.
- Qu'est ce que tu entends par "pas trop" ?
- Ben y s'passe plusieurs années avant que quelqu'un ré-entende parler d'lui. 'fait comme le domaine d'son maître avait été saccagé, personne r'passait dans l'coin. Mais quand y a des gens qui sont v'nue voir s'pouvaient r'construire que'qu'chose sur les ruines, y trouvèrent la maison toute réparée. Après y rencontrèrent maître Kalehis entrain de moissonner lui même les champs. Il les acceuillies l'plus poliment qu'un noble puisse l'faire. lorsqu'ils lui dirent qu'ils venaient prendre possession des lieux il leur présenta les papiers signer d'la main d'son ancien maître prouvant qu'il était libre et qu'les terres lui appartenaient.
- Tu veux dire que jsute avant sa mort son maître avait signer son affranchissement et le leg de son domaine ? C'est incroyable ?!?
- J'sais pas bien comment c's'est passé m'sieur. D'toue facon les papiers y's'ont pas servis à grand chose, pa'c'que après les hommes y'sont revenu avec des soldats et des papiers d'un noble du coin. Alors maître Kalehis il fut obligé d'partir.
- Hmmmmm ! Oui, malheureusement ce genre de chose était sans doute à prévoir.
- Aprés, il disparu d'la circulation comme on dit. Il réapparut y a deux ans et depuis c'est presque une légende. Y voyage d'ville en ville pour visiter les bibliothèques et d'temps en temps y participe à un concours de tir à l'arc et l'gagne. Après avec l'argent du concours il achète un esclave puis y'l'libère.
- C'est prodigieux.
- Pour sur m'sieur, c'est comme vous dites, et que j'peux vous dire que j'suis bien content qu'se soit tombé sur moi cette'fois ci.
Le ton de l'enfant sur cette dernière phrase était si autoritaire et décidé que je ne pu m'empêcher de partir à rire. Ce qui ne sembla pas lui plaire.
- Je ne vois pas c'que j'ai dit d'drôle.
- Rien mon garçon, juste ton expression à cet instant faisait plaisir à voir.
- Bah ! J'suis sur qu'vous seriez comme moi si on venais d'vous libérer.... mais au fait, p'rquoi vous m'posez autant d'question sur maître Kalehis.
- Disons que j'aime entendre les histoire d'homme de bien mon garçon, cela me rappel pourquoi je me suis tourné vers la lumière de Mitra.
- Ben p'rquoi vous êtes pas allé lui poser c'questions directement.
- Les hommes sont de bien mauvais juge d'eux même Moepis, soit il sont trop vaniteux soit trop humble lorsqu'il raconte l'histoire de leur vie. Certe ton histoire n'est sans doute pas intégralement vrais. Mais on en apprend souvent plus sur un homme en écoutant sa légende que ce qu'il a à raconter sur lui même.
Le jeune stygien semblait dubitatif. Je n'ajoutais pas un mot et lui ébouriffais les cheveux en lui souriant avant de rejoindre ma cabine. J'aurais sans doute du travail pour toute la fin du voyage à retranscrire et enluminer cette histoire dans mon bréviaire.
Dodrius scribe et poète au service de Mitra