Les jumeaux de Tesso.

-----[Hors RP]

Citation :

L'histoire ci-après reprend la suite de ma présentation RP.
Je vous conseille de la lire si vous souhaitez comprendre ce qui va suivre.

Le Cimmérien et le Némédien

L’air était vif et frais en ce matin d’automne, et une brume se formait çà et là entre les rochers du vallon à mesure que l’aube pointait sur les crêtes des montagnes des royaumes frontaliers. Ktolix était à l’affût. Il n’était pas fou, il avait vu passer une ombre entre ces deux arbres qu’il scrutait, à couvert. Il ne bougeait pas, et régulait sa respiration pour ne pas se faire détecter. A plat ventre sur le roc qui dépassait très légèrement du versant, il surplombait la passe qu’il surveillait depuis maintenant vingt minutes.
Soudain, une bourrasque dévala l’à-pic et le prit par surprise.

« Fichtre, pensa-t-il, pourquoi a-t-il fallu que çà arrive maintenant. »

Lorsque la bourrasque arriva en bas du promontoire, une ombre bougea à nouveau dans le buisson au pied des deux arbres que le cimmérien regardait depuis tout ce temps.

« Il est là, s’écria en pensées Ktolix, et désormais il sait que moi aussi je suis là. »

Résigné, il posa la main sur l'épée qu’il portait à la ceinture. Il réfléchit un bref moment, avant de se relever et de faire face au col.

- Tu as de la chance Revoran ! Crom a choisit de me compliquer la tâche en t’avertissant de ma présence.

Ses paroles résonnèrent dans entre les parois du vallon et dans la froidure du matin.

- Soit ! Qu’il en soit ainsi ! Battons-nous en face à face !

Sur ce il sauta de son aplomb et se réceptionna agilement par une roulade quinze pieds plus bas. Enchainant immédiatement, il déboita sur le côté, et eu juste le temps d’entendre une flèche rebondir sur la roche à l’endroit où il avait atterri. Instantanément, il chargea le buisson qui n’était plus qu’a vingt pas. Son épée fendit les branches comme des fétus de paille, et une masse sombre se jeta hors du bosquet et roula sur le côté.
Accroupi, une petite entaille sur le bras, un homme à la peau clair et aux cheveux gris se tenait accroupi devant l’éclaireur, à une distance suffisamment respectable pour que Ktolix ne puisse le charger par surprise.

- Je soupçonnais ta présence Cimmérien, mais ne savais pas où tu étais. Tu es décidément très fort en dissimulation, et impitoyable dans ta traque.

- Pour toi, je n’abandonnerai jamais Némédien, siffla Ktolix. Tu me dois une vie, et tu me la paieras comptant.

- Tu ne m’as toujours pas pardonné le décès de ta femme, l’ami ? Tu devrais … […]

- NE M’APPELLES JAMAIS AMI ! hurla Ktolix.
JE TE TRANCHERAI LA LANGUE POUR AVOIR OSER LE DIRE !

Surpris par la violence avec laquelle l’éclaireur avait réagit, l’ex commandant némédien recula d’un pas tandis que l’écho du cri du cimmérien emplissait la passe.
N’osant rien ajouter, le némédien garda le silence tandis qu’il comprenait que le léger bruit sourd qu’il entendait maintenant était le grognement guttural de l’homme qui le toisait.
Ktolix bouillait de rage. La simple pensée de la mort de sa femme l’avait révulsé, et comme à chaque fois que quelqu’un en parlait, il n’était plus tout à fait lui-même, comme si Crom et Ymir l’habitaient.
Mais il ne réfléchissait déjà plus. Dans un éclair il chargea son adversaire qui dans un premier temps eu le reflexe de reculer. Mais Revoran, ancien commandant de bataillon de l’armée némédienne, avait de l’expérience, et surtout dans ce genre de combat, ou il était passé maître. Pendant des années il avait gravit les échelons de son armée en éliminant ses rivaux un par un en les provoquant en duel sur des prétextes douteux ou en les assassinant pendant le sommeil. Il savait comment se comporter face à un guerrier plus puissant que lui qui le chargeait sous le coup de la colère, et lorsqu’il eut repris ses esprits, en un instant, il esquiva le coup d’estoc que l’éclaireur porta en se penchant en arrière, et roula sur lui-même, frappant au passage du talon le menton de son adversaire.
Ktolix fut surpris par la rapidité d’exécution du némédien. Le coup avait été plus violent qu’il ne l’aurait pensé, et la douleur qu’il ressentait dans la mâchoire l’obligea à mettre un genou au sol, ce qui n’était pas arrivé souvent dans sa vie.

- C’est la deuxième fois que je te fais mettre au moins un genou au sol Cimmérien, lança cyniquement le némédien.

Il savait ce qu’il faisait. Plus il réussirait à énerver son adversaire et a le plonger dans la colère, moins celui-ci serait redoutable dans le duel.

- La dernière fois, si je ne m’abuse, tu portais ta femme dans tes bras. Cette nuit-là, tu n’étais pas à la hauteur si je me souviens bien.

Il marqua une légère pause.

- A ce que je vois, tu n’as pas vraiment appris de tes erreurs.

Il commençait à ricaner quand Ktolix se releva en un éclair et fondit sur lui, lame en avant. Il s’empressa d’esquiver en se déportant sur sa gauche, mais l’éclaireur avait anticipé et porta un coup de côté au moment où le némédien s’écartait. Etonné, Revoran réagit au dernier moment, et la lame lui entailla lourdement la cuisse. Il se dégagea du corps-à-corps le plus vite possible en se jetant vivement en arrière, et atterri sur le dos. Mais Ktolix avait suivi, et se rua sur son ennemie à terre.

Il se figèrent tandis que le vallon résonna longtemps d’un tintement métallique. Ktolix resta une bonne minute avec son épée plantée dans l’avant-bras du némédien, qui s’était protégé de la frappe du cimmérien en parant avec son bras. Mais un sourire moqueur se dessina sur le visage du némédien, malgré la douleur. Sous sa parade, il en avait profité pour plonger sa dague dans le torse de Ktolix, entre les mailles de la cotte, et le sang coulait abondamment le long de la lame.

- Toutes ces années à me traquer pour en arriver là. Tu n’es pas de taille face à un commandant némédien, railla Revoran tandis qu’il basculait sur le coté un Ktolix figé par la douleur.

Celui-ci s’écroula sur le sol le long de son adversaire, l’air totalement ahuri de la tournure qu’avait pris les évènement. Son regard se fixa sur un horizon imaginaire, tandis que son inconscient voyait le némédien se relever, et déchirer un morceau de son manteau pour panser la plaie béante de son bras.

- Tu m’as traqué sans relâche à travers tous les royaumes némédiens, bravant et éliminant tous ceux qui se mettaient en travers de ta route, tout çà uniquement pour te venger de moi.

Il prit le temps de regarder les crêtes alentours, et de humer l’air du matin. Dans quelques minutes, le soleil atteindrait le fond de la petite passe. Il s’étira moqueusement comme s’il venait de se réveiller d’une longue nuit de sommeil.

- Je vais te laisser agoniser ici, seul avec tes pensées et tes regr[…]

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Il se prit la gorge entre les mains, là où il avait ressenti une subite et intense douleur, et senti la pointe de l’épée de Ktolix en dépasser au niveau de sa pomme d’adam. Le sang jaillissait en petit jets qui arrosaient l’herbe tout autour de lui, maculant bientôt le vallon d’une marre de sang dans laquelle il s’effondra en vrillant sur lui-même.
Dans sa chute, il vit Ktolix qui se relevait. Lorsqu’il baissa le bras après son lancer, un flot de sang se déversa de son flanc, mais il ne sembla pas s’en soucier. Le cimmérien s’approcha de lui. La terreur que ressentait le némédien face à la mort qui refermait son étreinte sur lui atteint son paroxysme lorsque celui-ci, s’agenouillant à coté de lui, lui souffla :

- Je tiens toujours mes promesses.

Ktolix porta la main aux lèvres de son ennemie à terre, et lui fit ouvrir la bouche en serrant sa mâchoire. Il plongea ses doigts dedans, et lui trancha la langue.

Ktolaria était au temple en train d’observer avec la plus grande attention les gestes d’Adoenus. Le prêtre avait accepté six mois plus tôt que la jeune fille assiste aux rites de sanctification qui précèdent les cérémonies hebdomadaires, mais il la tolérait uniquement parce qu’elle s’était engagée à ne pas interférer, participer ou ne serait-ce que parler. Au début rétissant, il appréciait désormais énormément sa compagnie, mais se montrait toujours le plus sévère possible afin que celle-ci ne le sache pas.

Elle était particulièrement attentive ce jour-là, d’autant que pendant la cérémonie qui aurait lieu au soir, il était prévu de demander à la Déesse de guérir un des parias de Tesso. Le vieux Solythes souffrait beaucoup trop depuis que le mal qui le rongeait avait recommencé à progresser. Certes, personne ne savait combien de temps le vieillard tiendrait le coup, mais la communauté voulait vraiment le soulager, du moins autant qu’il était possible de l’espérer., et Ktolaria avait fait preuve de beaucoup d’empathie vis-à-vis de lui ces dernières semaines.

La jeune aquilonnienne s’était toujours sentie attirée par les voies de Mitra, et était persuadée d’être promise à un grand avenir. Elle voulait vraiment changer le monde, et porter la parole de la Déesse par de là les montagnes. Elle rêvait souvent de voyages et d’aventures, mais n’osait pour le moment pas y penser. Aussi se contentait-elle d’observer le prêtre du village.
Tesso n’était pas ce qu’on appelle une grande ville. Mais au moins la communauté possédait-elle son temple, et la jeune fille avait déjà beaucoup appris. Mais lorsque le prêtre se figea ce jour-là, comme il l’avait déjà fait à maintes reprises par le passé lorsqu’un évènement dramatique se préparait, elle le ressentit aussi. Pour la première fois, elle entrevoyait les visions dont Adoenus lui avait si souvent parlé. Elle vit en transparence avec la réalité un flot de sang de sang se déverser sur un sol herbeux, au milieu d’une brume. Puis les contours d’un homme se dessinèrent. Et la silhouette se fit plus précise. Emplie d’effroi, elle reconnu son propre père. Mais la vision s’arrêtait là. Quand Adoenus se tourna vers Ktolaria pour l’informé de ce qu’il venait de voir, il se rendit immédiatement compte que la jeune fille avait vu elle aussi à travers le voile de Mitra. Des larmes roulèrent sur ses joues et le prêtre la prit dans ses bras, où elle sanglota à torrent toute la journée.

Au soir, lorsqu’elle rentra chez elle, et trouva son frère jumeau attablé dans la salle en train de dévorer un poisson et des patates noires, et qu’il l’enjoignit de le rejoindre et d’apprécier le fruit de sa pêche, elle sentie une nouvelle vague d’émotion l’envahir à nouveau. Plus par habitude que par intelligence, elle pria silencieusement Mitra de lui donner de la force. Soudain, elle sentie nettement la vague d’émotion faire marche arrière. Une force nouvelle l’habitait, pleine de confiance et de courage. Et tandis qu’elle regardait son frère qui s’était arrêté de se goinfrer, voyant visiblement que quelque chose n’allait pas, elle s’écroula sur le sol, les yeux grand ouvert, mais inconsciente.
Elle flottait dans le vide au milieu d’une brume dont les couleurs changeaient sans cesse. Tantôt bleue aux reflets argentés, elle virait soudain au rose avec des reflets cuivre, puis devenait jaune avec des reflets or. Ktolaria n’avait pas peur. C’était étrange. Elle qui avait toujours tout craint pour les autres et pour elle, n’avait pas peur de sa propre situation. Et lorsque la brume se dissipa, laissant la place à un grand vide noir au milieu duquel flottait toujours la jeune fille, la peur ne la gagnait toujours pas, et elle en était la première étonnée.

Des caractères d’écritures se dessinèrent dans les airs, tout autour d’elle. Ils scintillaient d’un bleu vif et s’auréolaient d’une vive lumière blanche. Il en apparaissait de plus en plus, remplissant à mesure le vaste espace de vide dans lequel la jeune fille flottait. Lorsqu’il sembla à Ktolaria qu’il n’était plus possible que d’autres caractères apparaissent tant il y en avait déjà, elle fut prise d’une violente convulsion qui cette fois, lui fit peur tant la surprise avait été forte. Puis il y eut une deuxième convulsion, toute aussi forte, et une troisième. Enfin une crise commença pendant laquelle la jeune femme était pleinement consciente de ce qui se passait mais ne comprenait pas son état.

C’est alors que les caractères qui l’entouraient entrèrent en elle en un instant. Elle fut submergée par toute la connaissance que ces caractères contenaient. Des torrents d'énergie se déversèrent en elle, et leur puissance croissait sans cesse, si bien qu’elle finit par perdre connaissance.
Ktolarius, qui avait immédiatement transporté sa sœur sur le lit, et l’avait vu se mettre à convulser, les yeux toujours grands ouverts, la vit soudain se calmer, et ses yeux se refermer.
Il la couvrit, et attrapa sa cape pour aller chercher Adoenus. Mais il n’eut pas le temps de sortir. La jeune femme avait déjà repris conscience.

« Prépares nos affaires mon frère, lança-t-elle sur un ton qu’il ne lui avait jamais entendu, nous partons immédiatement. Je t’expliquerai en route. »

Ktolarius se retourna vers sa sœur, complètement hébété. Le jeune barbare ne l’avait jamais vue aussi sûre d’elle. Lorsqu’elle se leva d’un trait, et fonça vers la commode où elle rangeait ses affaires, il fut heureux mais très surpris de la voir aussi fringante après le malaise qu’elle venait d’avoir.

Alors qu’il restait là à la regarder, réfléchissant du plus vite qu’il le pouvait pour tenter de comprendre ce qui se passait, elle se tourna vers lui au mileu d’un geste et lui cria :

« Tout de suite ! Nous partons tout de suite ! BOUGE ! »

Ktolarius fut extrêmement surpris, et en recula d’un pas dans la pièce voisine. Puis, réagissant, il disparu de l’encadrement de la porte et alla préparer son sac.


Quelques heures plus tard, ils arrivaient aux pieds des royaumes frontaliers.
Lui, ne comprenait toujours pas ce qu’ils faisaient là, mais s’inquiétait de la tournure que prenaient les choses puisqu’elles les avaient conduits droit en territoire némédien. Il se tourna vers sa sœur pour l’interroger, mais vit alors son regard.
Elle scrutait avec une telle intensité les crêtes des montagnes qu’il ne dit rien.

« Nous arrivons père. Tenez bon. Chuchota-t-elle. »

Surpris, il se tourna vers les cimes pour les observer avec plus d’attention. Jeune barbare des plaines sauvages de Zelata, il était plutôt futé, mais ne comprenait pas toujours tout.
Mais là, il avait compris. Il scrutait déjà les versants pour essayer d’y trouver un chemin sûr.
Sans un mot, les deux jumeaux de dix-sept ans se remirent en route, commencèrent leur ascension vers le col des sept vents.

Ils avançaient à travers la montagne depuis deux jours, ne s’étant arrêtés que pour manger un jeune corbeau que Ktolarius avait abattu pendant l’ascension et quelques champignons que sa sœur avait pensé à emporter. Ils n’avaient pas encore dormi, et la jeune femme ressentait la douleur des muscles endoloris bien plus que son frère.
Le barbare l’avait bien noté, mais même si ni l’un ni l’autre n’avait ouvert la bouche ou prononcé un mot depuis qu’ils étaient entrés sur le territoire némédien, il n’avait jamais proposé de s’arrêter pour prendre un peu de repos, et il savait aussi qu’elle ne l’avait pas non plus suggéré. Tous deux ne pensaient qu’à deux choses : Ils étaient en plein milieu du terrain de chasse favoris des némédiens, et leur père courrait un grand danger.

Les vents hurlaient maintenant aux oreilles des deux aquilonniens, et le temps commençait à tourner à l’orage. Au milieu d’une bourrasque, Ktolarius rompit le silence, et cria à sa sœur, qui l’entendit à peine malgré leur proximité :

- Accroches-toi à la paroi, la pente devient plus forte à partir de maintenant, et tu n’as pas la force d’aller plus loin dans cette tempête. Attends-moi là dix minutes, je vais nous trouver un abri.

Epuisée, sa première réaction avait été d’accepter en hochant la tête. Mais l’image de son père blessé et du torrent de sang qu’elle avait vu dans sa vision la piqua au vif.
Elle ferma les yeux, et se concentra. Elle resta dans cette posture pendant presque quinze secondes. Ktolarius se demanda si elle l’avait bien entendu avec ces vents violents qui sifflaient dans leurs tympans. Il allait pour lui répéter ce qu’il venait de dire lorsque qu’il la vit rouvrir les yeux. Leur couleur avait changée, ils étaient d’un doré et d’un éclat intense, et quand elle parla, ses mots firent taire la tempête.
Elle avait parlé dans une langue étrange, qu’il n’avait pas compris. Puis, alors que les nuages noirs semblaient s’écartaient peu à peu, et qu’il en restait tout étonné, il la vit commencer à basculer en avant vers l’à-pic.
Il l’attrapa au vol en se jetant dans le vide, et s’agrippa de sa main libre à une petite arrête qui dépassait. La roche lui entailla les chairs tandis qu’il retenait de l’autre bras sa sœur, pendant au dessus du vide, inconsciente.

- Par Crom et par Ymir, hurla-t-il à la montagne, j’en ai marre d’avoir toujours raison.

- Tu râles, tu râles, mais c’est Mitra qui a éloigné la tempête.

La barbare baissa la tête et croisa le regard de sa sœur. Il était redevenu de son bleu d’azur qu’il connaissait bien, et qui mettait si bien son visage en valeur lorsque ses cheveux blonds comme les blés ondulaient avec la brise.

- Tu m’étonneras toujours Ktolaria. Et par Mitra, même si je râle, tu nous as bien aidés.

Elle sourit, puis s'évanouit à nouveau.

- N’empêche que j’ai raison, tu n’iras pas plus loin aujourd’hui, railla-t-il pour lui-même en remontant la jeune femme sur la corniche.


Lorsqu’elle ouvrit les yeux, la douce chaleur d’un feu et son odeur de suie et de charbon de bois la mirent de bonne humeur. Elle regarda autour d’elle en se redressant sur sa couche. Elle était allongée sur un lit de mousse et de lichen, et une petite couverture de peau et de fourrures grossièrement tissées entre elles la recouvrait. La petite caverne dans laquelle elle et son frère avaient trouvé refuge n’était pas très profonde et tenait presque plus de la cavité que de la grotte.
Le feu n’était pas gros, mais suffisait à chauffer l’air qui y circulait, et à cuir le petit lapin empalé sur une pique taillée rapidement dans une branche de sapin. Ktolarius apparu à l’entrée, et alors qu’il jetait un œil à la cuisson du lapin, fit un petit clin d’œil à sa sœur.

- Tu n’es pas encore tout à fait la grande prêtresse qui changera le monde… Il te faudra donc des forces.

Elle allait pour répondre, mais devant le sourire doux et taquin de son frangin, elle se ravisa et et le lui rendit. Elle passa la main dans ses cheveux et s’assit sur le bord de sa couche. Ktolarius lui tendit une patte de lapin, sur lequel il ajouta un peu de confit de figue qu’il tira de sa besace. Surprise par le caractère goutteux de la petite tambouille du barbare, elle le détailla un peu plus, comme si elle ne l’avait jamais vraiment vu.
Le jeune garçon qui passait son temps à courir dans les bois, à construire des barrages inutiles sur des ruisseaux, et à tyranniser les autres jeunes enfants du village n’était plus le même. Maintenant, il était un gaillard plein de vie, affuté et très habile. Il s’était surtout beaucoup étoffé et arborait désormais une puissante musculature qui donnerait à réfléchir à quiconque voudrait le défier. Elle l’observa remuer les braises du foyer avec une petite branche avant qu’il ne la fasse tourner autour de son pouce avec une grande dextérité et quelle ne retombe entre l’index et la paume de sa main, le sommet du pouce à la verticale, appuyé contre le bâton. En un coup sec, d’une pression bien placée, il le brisa en deux en rabattant son pouce violemment vers l’avant. Puis il plaça les morceaux dans le feu.

- J’ai croisé deux patrouilles némédiennes en explorant un peu les environs pendant que tu te reposais. Si nous ne nous étions pas arrêtés, nous aurions été pris, déclama-t-il en fixant les flammes du regard.

Pendant un moment, il n’ajouta rien, et se contenta de suivre la danse des flammèches avec un regard pensif. Elle le regardait, sans oser rompre le silence. Mais dans son cœur, elle remercia Mitra pour sa petite intervention.

- Pour le moment, tu vas te reposer. Une épreuve difficile nous attend.

Il attrapa la broche et détacha un pan du dos du lapin qui se décolla comme un rien.

- Les patrouilles nous empêchent pour le moment de sortir, et un campement s’est installé sur la route que j’avais prévu de nous faire emprunter.

Il mordit dans la viande tendre, et mâcha sa bouchée avant de reprendre.

- Nous allons devoir passé par le sommet du pic. Là-haut, le temps est glacial et les vents très violents. Je compte sur toi et sur ta déesse pour nous permettre de passer.

Il avala sa gorgée, et en repris une.

- La dernière fois que je l’ai tenté, j’ai eu la chance de revenir, mais mes trois compagnons ne l’ont pas eue. C’est le pic du destin. Seuls les Dieux disent qui passe et qui ne passe pas, et si comme je le pense, tu as un contact privilégié avec l’un d’eux, alors nous avons peut-être une chance d’arriver au col des sept vents avant les quatre jours nécessaires pour y arriver en contournant la montagne.

La jeune femme avait un peu blêmit. Mais après un temps de réflexion, elle se pencha vers le feu, et attrapa la broche. Elle arracha une nouvelle patte au lapin, et commença à manger en regardant son frère dans les yeux.

- Je monterai la garde cette nuit, dit-il, nous partons avant les lueurs de l’aube.